Soutenance de doctorat en Architecture de Madame Eliza Culea

L'école doctorale : Sciences de l'Homme et de la Société et le laboratoire de recherche de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles présentent

l'avis de soutenance de Madame Eliza Culea

autorisée à présenter ses travaux en vue de l'obtention du Doctorat de l'Université de Paris-Saclay,

préparé à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles en : Aménagement, architecture


Anarchitectures. Guerre, science-fiction et activisme dans l'oeuvre de Bruno Taut et Lebbeus Woods.


Lieu : Ensa Versailles, salle des Conseils


Composition du jury :

M. Paolo AMALDI, Professeur, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles, Directeur de thèse

Mme Andrea URLBERGER, Maître de conférences, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Toulouse, rapporteur

M. Florian HERTWECK, Professeur, Université de Luxembourg (Luxembourg), rapporteur

M. Pierre HYPPOLITE, Professeur, Université Paris Nanterre et Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais, examinateur

Mme Marie Theres STAUFFER, Professeure, Université de Genève (Suisse), examinateur

M. Philippe POTIE, Professeur, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles, examinateur


Mots-clés : science-fiction, anarchitecture, paul scheerbart, bruno taut, lebbeus woods, activisme.


Résumé :

Avez-vous déjà senti le monde toucher à sa fin ? Quel serait selon vous votre premier instinct ? Cette thèse propose de regarder de plus près ce qui semble être une des réactions des plus naturelles : l’immersion dans le récit. En partant des travaux de la sociologie des mouvement sociaux conduits par Francesca Polletta, l’hypothèse de ce travail suggère que dans les contextes anxiogènes de catastrophes d’antan et d’aujourd’hui — guerrière, environnementale, ou autre — la narration joue un rôle important lors de la constitution et l’organisation de nouveaux acteurs collectifs, incitant ainsi au changement qui permettra de sortir de la crise. Si toutes formes de récit peuvent nous aider à agir ensemble, cette thèse se focalise sur la charge politique d’un genre en particulier, celui de la sciencefiction. S’il faut attendre les travaux pionniers de Darko Suvin pour que le monde académique s’éveille au potentiel de cette forme de para-littérature, les nombreux projets utopiques, contre-utopiques, dystopiques, voire même apocatopiques qui jalonnent l’histoire de l’architecture montrent que les architectes ont deviné depuis longtemps le potentiel subversif du genre. Ces fictions architecturales politisées sont notre terrain de jeu: le corpus est constitué d’histoires nées sur les terres de la catastrophe, à l’aube et au crépuscule du XXe siècle tel que défini par l’historien Eric Hobsbawm — d’un côté lors de l’éclatement en 1914 de la Première Guerre mondiale et de l’autre entre 1992-1995 lors du long siège de Sarajevo. Ces deux points temporels sont reliés par des projets appartenant à la même famille politique, celle de l’anarchisme - dans son incarnation souvent appelée socialisme libertaire pacifiste — tel qu’il est compris et mis en architecture par Bruno Taut (le Glashaus, Architecture alpine, La dissolution de la ville, Le constructeur du monde, Les galoches du bonheur, Mimari Bilgisi) et Lebbeus Woods (Underground Berlin, Zagreb Free-Zone, War and Architecture). Leurs anarchitectures sont accompagnées par le travail d’écrivains engagés — des figures représentatives de la facette dite dissidente et activiste du récit de science-fiction — comme Paul Scheerbart (Rakkóx, le milliardaire, Malvu. Le Timmonier, Lesabéndio. Un roman astéroïde, L’Architecture de verre), J. G. Ballard (I.G.H.), Gheorghe Săsărman (La quadrature du cercle) et China Miéville (The City & The City). Ce périple va nous permettre d’observer, à travers une lentille architecturale, l’histoire et les transformations du genre de la science-fiction au XXe siècle, ainsi que les attitudes des architectes face au conflit. Le sujet n’est pas isolé de son contexte historique. Suivant une analyse en anti-thèse, le positionnement politique des protagonistes va s’affronter aux fictions de groupes rivaux, et notamment à celles du futurisme guerrier de F. T. Marinetti (Mafarka, le futuriste) et de l’architecte officiel de son mouvement Antonio Sant’Elia (La Città Nuova). Ces architectures postcatastrophe opposées sont accompagnées de visions du corps post-catastrophe. Ainsi, nous analyserons la manière dont nos deux camps vont instrumentaliser une des figures clefs des avantgardes modernes : celle l’Homme nouveau. Ces corps « évolués » vont finalement nous permettre d’inscrire ces rêves sociaux, politiques, architecturaux et radicaux, dans la lignée des débats contemporains sur la place de l’Homme dans le réseau de la vie, polarisés ces jours-ci autours des concepts de l’Anthropocène de Paul Crutzen, du Capitalocène de Jason Moore et du Chthulucène de Donna Haraway.